14 octobre 2022

Les grandes citations

Par Jean-Sébastien Marsan

(Article publié à l’occasion de la sortie de l’ouvrage Histoire populaire de l’amour au Québec, tome III.)

L’histoire de l’intimité au Québec ne manque pas de déclarations solennelles, d’observations piquantes sur les mœurs, de compliments bien tournés ou de calomnies particulièrement vaches, sans oublier de mémorables gaffes. Voici quelques exemples, en ordre chronologique.

Sur le métissage : « Quand cette grande maison sera faite, alors nos garçons se marieront à vos filles et nous ne serons plus qu’un peuple. » (L’explorateur Samuel de Champlain à une assemblée d’Autochtones, 1633.)

Louis Armand de Lom d’Arce, baron de Lahontan

Sur les Filles du roi : « On y envoya de France plusieurs vaisseaux chargés de filles de moyenne vertu, sous la direction de quelques vieilles béguines qui les divisèrent en trois classes. Ces vestales étaient pour ainsi dire entassées les unes sur les autres en trois différentes salles, où les époux choisissaient leurs épouses de la manière que le boucher va choisir les moutons au milieu d’un troupeau. » (Le voyageur français Louis Armand de Lom d’Arce, baron de Lahontan, 1666-1716.)

Sur les fréquentations : « […] ce qui fait qu’on se marie facilement en ce pays-là [la Nouvelle-France], c’est la difficulté de pouvoir converser avec les personnes de l’autre sexe. […] Il faut se déclarer aux pères et mères au bout de quatre visites qu’on fait à leurs filles ; il faut parler de mariage ou cesser tout commerce, sinon la médisance attaque les uns et les autres comme il faut. » (Louis Armand de Lom d’Arce, baron de Lahontan.)

Gilles Hocquart

Sur le caractère des hommes: « Les Canadiens sont naturellement grands, bien faits, d’un tempérament vigoureux », écrit en 1737 Gilles Hoquart, intendant de la Nouvelle-France. Sur les hommes de la campagne, il précise : « Ils aiment les distinctions et les caresses, se piquant de bravoure, sont extrêmement sensibles aux mépris et aux moindres punitions ; ils sont intéressés, vindicatifs, sont sujets à l’ivrognerie, font un grand usage de l’eau-de-vie, passent pour n’être pas véridiques. […] Ceux des villes sont moins vicieux, tous sont attachés à la religion, on voit peu de scélérats, ils sont volages, ont trop bonne opinion d’eux-mêmes […]. »

Sur les femmes de Québec et celles de Montréal, « celles-ci sont généralement plus belles que les premières. Les manières m’ont semblé quelque peu trop libres dans la société de Québec ; j’ai remarqué à Montréal plus de cette modestie qui va si bien au beau sexe. Les dames de Québec, surtout celles qui ne sont pas sous puissance de mari, mènent une vie passablement oisive et frivole. » (Le botaniste et professeur suédois Pehr Kalm, qui a voyagé dans les colonies britanniques d’Amérique et en Nouvelle-France de 1748 à 1751.)

Un compliment à madame : « Si toutes les dames canadiennes vous ressemblent, j’ai vraiment fait une belle conquête. » (Le roi anglais George III à Louise Chaussegros de Léry, épouse de Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry, premier seigneur canadien présenté au monarque, en 1763.)

Alexis de Tocqueville

Sur la sagesse des habitants : « Je demandais un jour à un cultivateur pourquoi les Canadiens se laissaient resserrer dans des champs étroits, tandis qu’ils pouvaient trouver à vingt lieues de chez eux des terres fertiles et incultes. — Pourquoi, me répondit-il, aimez-vous mieux votre femme, quoique celle du voisin ait de plus beaux yeux ? J’ai trouvé qu’il y avait un sentiment réel et profond dans cette réponse. » (Le philosophe et homme politique français Alexis de Tocqueville, qui a voyagé au Bas-Canada en 1831.)

Sur les mariages mixtes : « Il est naturel, il est même à souhaiter que les races française et anglo-saxonne, ayant maintenant une même patrie, vivant sous les mêmes lois, après des haines, après des luttes séculaires, se rapprochent par des alliances intimes. » (Philippe Aubert de Gaspé, Les Anciens Canadiens, 1863.)

Sarah Bernhardt

Sur la gent masculine au Québec : « Vous avez un beau pays, mais c’est tout. Depuis vingt-cinq ans l’agriculture peut-être a prospéré, mais le reste ? Vous n’avez pas de peintres, vous n’avez pas de littérateurs, vous n’avez pas de sculpteurs, vous n’avez pas de poètes. Fréchette peut-être, et un autre jeune. Mais sapristi, vous n’avez pas d’hommes, vous n’avez pas d’hommes ! » (L’actrice française Sarah Bernhardt à Québec le 4 décembre 1905.)

Quand procréer est un acte politique : « C’est la revanche de la race française au Canada, — le “miracle canadien”, la reprise de sa fécondité contre ceux qui lui parlaient de mort et d’ensevelissement ». (Le jésuite Louis Lalande, créateur de l’expression « revanche des berceaux », 1918.)

Sur le père de famille : « […] le chef de la vieille famille canadienne exerce en quelque sorte, à son foyer, un pontificat domestique. » (Lionel Groulx, Notre maître, le passé, 1924.)

Philippe Panneton, dit Ringuet

Sur la nudité : « Les peintres sont des gens extraordinaires. Ils trouvent moyen de placer partout des personnes à poil, ce qui dans la vie courante n’existe à peu près pas ». (Le médecin, diplomate et romancier Philippe Panneton, dit Ringuet, 1926.)

Quand l’Église condamne le « sensualisme » et le « naturalisme » : « Un vent de sensualisme souffle des pays étrangers sur notre chère patrie. […] A tous les degrés de l’échelle sociale le naturalisme s’affirme par une passion de jouissance qui glorifie la chair, malgré les préceptes du christianisme, déificateur de l’esprit. Ces tendances païennes s’affirment particulièrement dans les modes immorales, accueillies avec faveur comme si la modestie n’était qu’un vain mot ; dans les danses inconvenantes ou lascives qui tuent la pureté et sèment le scandale ; dans les spectacles corrupteurs offerts par des théâtres et des cinémas qui ne tendent trop souvent qu’à réveiller les instincts les plus pervers et les plus grossiers de la nature déchue. » (Lettre pastorale, 1927.)

Sur la burka : « Les costumes de bain pour personnes du sexe féminin doivent être suffisamment hauts sur la poitrine et les épaules pour éviter tout semblant de provocation. De même le maillot devrait être recouvert d’une jupe qui aille à peu près jusqu’aux genoux. Il serait même à souhaiter que tel costume vînt à comporter comme autrefois une sorte de large manteau qui voile le relief des formes du corps ; autrement, la suggestion, pour être discrète ou hypocrite, n’en est souvent que plus vive. » (L’abbé Georges Panneton, auteur du livre Les Dangers des vacances : les scandales des plages, les excursions du dimanche, les danses modernes, 1932.)

Sur le « cercle vicieux » canadien : « Jésus est le fils d’une mère céleste restée vierge. Vierge, mariée à un homme (Joseph) qui ne l’a jamais “connue”. Marie résoud vraiment la quadrature du “cercle vicieux” canadien : comment rester vierge tout en devenant mère », écrit le professeur de littérature Heinz Weinmann dans son essai Du Canada au Québec : généalogie d’une histoire (1987).

Valérie Plante

Un lapsus. La mairesse de Montréal Valérie Plante, le 10 septembre 2021, vantant les mérites de la joueuse de tennis professionnelle Leylah Fernandez : « On voit une jeune fille déterminée, souriante. On la sent passionnée. Et c’est très contagieux. J’ai envie de dire que sa passion pour le pénis… Heu ! Le pénis, s’cusez… » — cliquez ici.