11 mai 2014

Abécédaire insolite de la Nouvelle-France amoureuse et lubrique

Par Jean-Sébastien Marsan

(Publié dans la Revue Argument vol. 16, no 2, printemps-été 2014, p. 178-186.)
 
Allaitement. Février 1702: un important marchand de Montréal, Pierre Rose, meurt à la suite de graves maux d’estomac. Il n’a que trente ans. Quelques temps plus tard, lorsque vient le temps de régler la succession, un tribunal doit éclairer une relation particulière que Rose a entretenue avec une Iroquoise.

Surnommée Marie Chambly bien qu’elle ne parle pas français, cette Iroquoise explique au tribunal (par les soins d’une interprète) que le marchand lui avait demandé de calmer ses douleurs en… l’allaitant. Il lui avait promis, en échange de ses faveurs, de la vêtir à la française de la tête aux pieds. N’ayant pas obtenu son dû, Marie Chambly demande à la justice d’intervenir.

Puis elle raconte que les séances d’allaitement se déroulaient devant le frère du malade, François Rose. Y assistaient aussi Paul Le Moyne de Maricourt (personnalité marquante, fils du seigneur Charles Le Moyne et frère de l’explorateur Pierre d’Iberville). Et l’exécuteur testamentaire était au fait de cette cure inusitée. Parfum de scandale…

Convoqué par la cour, Paul Le Moyne de Maricourt avoue qu’il a lui-même déniché Marie Chambly pour le (prétendu) allaitement curatif.

La généreuse Iroquoise obtient les vêtements qui lui avaient été promis.

(Source : Grenon, Hector. Histoires d’amour de l’histoire du Québec, Montréal, Stanké, 1977, p. 22-25.)
 
Bal. L’un des premiers bals organisé en Nouvelle-France se déroule à Québec le 4 février 1667, chez le seigneur Louis-Théandre Chartier de Lotbinière. Dans le Journal des Jésuites, le religieux, qui a noté l’événement, souligne, probablement scandalisé par l’impur spectacle d’hommes et de femmes dansant côte à côte : « Dieu veuille que cela ne tire point en confequence. »

Dieu n’a pas voulu, semble-t-il…

(Sources : Le Journal des Jésuites affirme que le bal du 4 février 1667 est le « premier au Canada », mais relate aussi un « ballet » qui aurait eu lieu 20 ans auparavant, le 27 février 1647, probablement au magasin des Cent-Associés, à Québec. Le Journal des Jésuites publié d’après le manuscrit original conservé aux archives du Séminaire de Québec par MM. les abbés Laverdière et Casgrain, Québec, Léger Brousseau éditeur, 1871, p. 353 ; Prévost, Robert. Il y a toujours une première fois ! Éphémérides des premiers événements québécois, Montréal, Stanké, 1984, non paginé.)
 
Bigamie. En 1662, le Français Pierre Pichet, vingt-six ans, traverse l’Atlantique pour s’établir en Nouvelle-France. Il a l’intention, une fois installé, de faire venir sa femme Marie Lefebvre, laissée en France. Quelque temps après son arrivée, Pierre Pichet reçoit une lettre de son frère annonçant une mauvaise nouvelle : son épouse est décédée.

Le colon décide de refaire sa vie en Nouvelle-France. Le 25 novembre 1665, il se remarie à Québec.

En 1671, un visiteur l’informe que Marie Lefebvre est toujours vivante ! On imagine le tourment du pauvre Pierre… Il retourne en France, retrouve sa première femme et réussit à la convaincre de l’accompagner en Nouvelle-France — bien que la bigamie y soit interdite. Mais pendant la traversée vers Québec, Marie Lefebvre meurt… pour de bon.

(Source : Lacoursière, Jacques, et Bizier, Hélène-Andrée (dir.). Nos racines, l’histoire vivante des Québécois, Saint-Laurent, Les éditions Transmo, chapitre 1, 1979, p. 15.)
 
Bourreau romantique. Janvier 1751. Un militaire d’une vingtaine d’années, Jean Corollaire (ou Corolère, selon les sources), est arrêté à Québec pour s’être battu en duel — ce qui est interdit. En attente de son procès, il est écroué dans la prison du palais de l’intendant. Une prison mixte : hommes et femmes sont enfermés dans des cellules voisines, mais séparées.

La détenue voisine de Jean Corollaire est une jeune femme de vingt ans, Françoise Laurent. Condamnée à la pendaison. Son crime : elle a profité d’un emploi de servante pour voler dans le portefeuille de son maître. (En Nouvelle-France, une foule de délits sont punissables de la peine capitale.)

Le bourreau de la colonie a rendu l’âme en décembre 1750 et les autorités ne lui ont pas trouvé de successeur. Ce travail ayant très mauvaise réputation, personne ne se manifeste pour prendre la relève.

Ainsi, Françoise Laurent croupit en prison. Dans le couloir de la mort.

À l’époque, un individu condamné à la peine capitale peut échapper au châtiment en obtenant un pardon des hautes autorités judiciaires. Une autre porte de sortie consiste à devenir soi-même bourreau ou à épouser un bourreau.

Françoise Laurent décide que ce bourreau, ce sera Jean Corollaire! Elle entreprend de le séduire…

En août 1751, Jean Corollaire s’adresse par écrit au Conseil supérieur de Québec pour solliciter le job de bourreau même s’il n’a aucune expérience de ce sale boulot. Il obtient rapidement satisfaction, car la colonie n’a pas d’autre candidat.

De toute façon, le tribunal n’a pas réuni suffisamment de preuves de son duel pour qu’il y ait procès. Jean Corollaire est un homme libre.

Le lendemain de sa libération, il s’empresse de réécrire au Conseil pour obtenir la permission d’épouser Françoise Laurent. Le Conseil décide d’annuler la condamnation à mort de la jeune femme si elle accepte de prendre le bourreau pour mari. Évidemment, elle s’empresse de dire oui.

(Source : Lachance, André. Séduction, amours et mariages en Nouvelle-France, Montréal, Libre Expression, 2007, p. 78-83.)
 
Cabarets. En 1688, les autorités judiciaires de Montréal dénombrent trente cabarets clandestins. À l’époque, l’agglomération compte environ cent trente maisons et une population civile d’approximativement huit cents âmes (sauf les Amérindiens). « Il y a donc 23 % des maisons de Montréal qui sont des cabarets, presque une maison sur quatre ! Dit autrement, il y a un cabaret pour 27 personnes à Ville-Marie en 1688 », note Rémi Tougas, l’auteur de L’Allemande : la scandaleuse histoire d’une fille du roi (Septentrion, 2003). « Il n’est donc pas surprenant que les autorités dénoncent cette situation qui engendre continuellement des désordres et des abus de toutes sortes, y compris la prostitution. »

Légalement, seuls les individus pouvant fournir un certificat de bonnes mœurs signé du curé de leur paroisse obtiennent la permission d’ouvrir un cabaret. Et encore, l’établissement ne doit pas laisser les clients s’enivrer, ne doit pas servir à boire à crédit, ne peut accueillir des domestiques, artisans et ouvriers durant leurs heures de travail, doit fermer ses portes à 21 h en semaine et demeurer clos les dimanches, les jours de fêtes, pendant les messes et les vêpres.

En réalité, la majorité des cabarets sont clandestins, ouvrent leurs portes en tout temps, ne refusent personne et font couler l’alcool à flots. Lieux de désordre et de débauche.

Ironie du sort : le premier cabaret autorisé en Nouvelle-France, à Québec le 19 septembre 1648, était la propriété d’un homme au nom prédestiné, Jacques Boisdon.

(Sources : Lachance, André. Vivre à la ville en Nouvelle-France, Montréal, Libre Expression,2010, p. 234-238 ; Myre, Marcel. Madeleine Émond : la vie scandaleuse d’une cabaretière. Nouvelle-France, 1664-1699, Québec, Les éditions GID, 2011 ; Prévost, Robert. Ibid. ; Tougas, Rémi. L’Allemande : la scandaleuse histoire d’une fille du roi, 1657-1722, Sillery, Septentrion, 2003, p. 68, 71.)
 
Charivari. 28 juin 1683, à Québec. Une veuve, Marie Couture, vingt-cinq ans, qui avait perdu vingt et un jours auparavant son mari François Tessier dit Laverdure, se remarie (l’heureux élu se nomme Claude Bourget). Ce qui déclenche le premier charivari en Nouvelle-France : des citoyens font un tapage d’enfer devant la maison du couple, six nuits consécutives.

Le charivari est une vieille coutume européenne. Lorsqu’un veuf ou une veuve se remarie trop rapidement, ou si la différence d’âge entre les deux époux est trop grande, le peuple manifeste sa réprobation en se rassemblant la nuit devant la maison des nouveaux mariés pour taper bruyamment sur des poêles, des chaudrons, etc.

(Sources : Prévost, Robert. Figures de proue du Québec : évocation de 700 femmes dépareillées, Montréal, Stanké, 2000, p. 218 ; Provencher, Jean. Les Quatre Saisons dans la vallée du Saint-Laurent, Montréal, Boréal, 1988, p. 491.)
 
Cœur de Frontenac. 28 novembre 1698 : mort de Louis de Buade, comte de Frontenac, l’un des gouverneurs généraux les plus remarquables de la Nouvelle-France. Dans ses dernières volontés, il demande que l’on dépose son cœur dans un coffret et que ce dernier soit envoyé à son épouse restée en France.

Or, l’hiver est commencé, la navigation sur le fleuve est impossible. La romantique relique est donc acheminée en France au printemps suivant. Six mois plus tard. Imaginez l’odeur…

(Source : Grenon, Hector. Ibid. p. 289.)
 
Courir l’allumette. Le rituel amérindien de l’« allumée » ou de l’« allumeuse », aussi appelé « courir l’allumette », étonne plusieurs explorateurs de la Nouvelle-France. Ancêtre du speed dating, ce cérémonial se déroule comme suit.

Le soir venu, les demoiselles du village se retirent dans leur cabane ou sous la tente. Un soupirant s’y présente en portant à la main un bâtonnet de bois, ou en prélevant un bout de bois dans le foyer de la jeune femme. Avec son petit bâton rougeoyant, il s’approche du lit. L’homme ne plaît pas à la jeune femme ? Elle détourne le visage, se cache sous sa couverture. Le prétendant doit alors quitter sans protester.

Une femme peut accueillir autant de candidats qu’elle le désire. Lorsqu’un homme plaît à son hôtesse, celle-ci éteint la flamme. Signe convenu pour aller plus loin.

(Sources : On retrouve cette anecdote dans de nombreux ouvrages, par exemple Douville, Raymond, et Casanova, Jacques-Donat. La vie quotidienne des Indiens du Canada à l’époque de la colonisation française, Montréal, Hachette International Canada, LRP, 1982, p. 117-118. Dans un ouvrage récent, l’historien français Gilles Havard émet des doutes sur la course à l’allumette : le récit des explorateurs « évoque trop les rituels nocturnes de fréquentation amoureuse d’avant mariage de certaines campagnes françaises » de l’époque pour être le fidèle compte rendu des coutumes amérindiennes, selon le spécialiste. Havard, Gilles, et Laugrand, Frédéric (dir.). Éros et tabou : sexualité et genre chez les Amérindiens et les Inuit, Québec, Septentrion, 2014, p. 332.)
 
Mariage « à la gaumine ». Selon le rituel catholique, un mariage doit être célébré devant un curé et deux témoins, après publication des bans et sans opposition. Au dix-septième siècle, des amoureux confrontés au refus d’un parent ou de leur curé font des mariages « à la gaumine » — de Michel Gaumin, intendant sous Louis XIII et Louis XIV, qui avait imaginé l’astuce suivante : les amoureux s’assoient discrètement dans une église pendant la célébration de la messe, et soudain, ils déclarent à haute voix qu’ils se prennent mutuellement pour mari et femme, prenant comme témoins les personnes présentes ou des complices. Le curé est mis devant le fait accompli !

Faut-il le souligner, les autorités religieuses de l’époque s’opposent vigoureusement aux mariages « à la gaumine ». Ces derniers disparaissent au début du dix-neuvième siècle.

(Sources : Douville, Raymond, et Casanova, Jacques-Donat. La vie quotidienne en Nouvelle-France. Le Canada, de Champlain à Montcalm, Montréal, Hachette International Canada, LRP, 1982, p. 233-234 ; Lachance, André. Séduction, amours et mariages en Nouvelle-France, ibid. p. 169  ; Mathieu, Jacques, et Lacoursière, Jacques. Les Mémoires québécoises, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1991, p. 151.)
 
Mariage mixte. Au début de la colonie, l’Église encourage le mariage entre Français et Amérindiens dans la mesure où il y a conversion au catholicisme. Samuel de Champlain déclare aux Hurons : « Nos jeunes hommes marieront vos filles, et nous ne formerons plus qu’un peuple. »

Mais le mariage mixte provoque rapidement des tensions. La liberté sexuelle avant les noces, monnaie courante chez les Amérindiens, et les coutumes polygames de certains peuples choquent les missionnaires — on les imagine s’étouffant d’indignation.

Deux personnalités coloniales, qui n’ont pas ces scrupules, cumulent deux mariages (avec une Française et une Amérindienne) : Paul Le Moyne de Maricourt et Louis-Thomas Chabert de Joncaire.

Le comble : des coureurs des bois et autres commerçants se font adopter par des communautés amérindiennes, s’y marient et ne veulent plus revenir à leur « ancienne vie ». Leurs conditions d’existence sont plus agréables que la vie de soldat ou de colon…

Une historienne, Sylvie Savoie, a dénombré cent quarante-cinq mariages mixtes Blancs-Amérindiennes et trente-cinq unions Blanches-Amérindiens entre 1644 et 1760. (Il y a sûrement beaucoup de concubinage.)

L’administration coloniale commence à s’opposer aux mariages mixtes au début du dix-huitième siècle, sans les interdire. Le régime anglais les proscrira totalement.

(Sources : Dickason, Olive Patricia. Les Premières nations du Canada. Depuis les temps les plus lointains jusqu’à nos jours, Québec, Septentrion, 1996, p. 158, 163, 165-166 ; Jacquin, Philippe. Les Indiens blancs : Français et Indiens en Amérique du Nord (XVIe-XVIIIe siècle), Montréal, Libre Expression, 1996 ; Savoie, Sylvie. « Les Amérindiens sous le Régime français », Les marginaux, les exclus et l’Autre au Canada aux XVIIe et XVIIIe siècles, Montréal, Fides, 1996, p. 181-200.)
 
Mariage tardif. Charles Chaboulié (ou Chaboillez), né en France vers 1638, venu en Nouvelle-France dans les années 1690, gagne sa vie à Montréal comme sculpteur (notamment pour l’Hôtel-Dieu et les récollets). Ce « vieux garçon » rencontrera l’amour au milieu de la soixantaine, âge avancé pour l’époque, ce qui l’obligera à revoir tous ses plans.

Au début de sa soixantaine, il habite avec un ami, le sergent Laurent Rousseau dit Larose. Un acte notarié daté du 7 mai 1702 indique que les deux compagnons sont associés dans l’exploitation d’une terre appartenant à Rousseau. (Certains hommes célibataires —paysans, voyageurs, soldats —, pour améliorer leurs conditions de vie, mettent tous leurs biens en commun et vivent en ménage, comme un couple.)

Chaboulié et Rousseau conviennent également, devant notaire, de faire don de tous leurs biens, immeubles et argent à un jeune couple de leurs amis, le sculpteur Noël Levasseur et son épouse Marie-Madeleine Turpin — leurs noces avaient été célébrées à Montréal le 3 avril 1701. Les descendants de ce couple hériteront également des biens des vieux garçons.

Ainsi, le vieillard Chaboulié, qui n’a jamais été marié et n’a pas eu de descendance, prend la peine de léguer ses biens à un couple d’amis et leurs enfants. Il pourra mourir en paix avec le sentiment d’avoir aidé son prochain.

Or, un événement imprévu surgit dans sa vie : il tombe en amour. Avec une mademoiselle de… 21 ans, Angélique Dandoneau du Sablé. En 1704, Chaboulié l’épouse. De leur mariage naîtront trois enfants.

Après la naissance de son premier enfant, le nouveau père fait des pieds et des mains pour faire annuler le contrat de donation aux Levasseur et à leurs descendants. Il s’adresse aux plus hautes autorités. Une ordonnance de l’intendant de la Nouvelle-France en personne, Jacques Raudot, « casse et annule » le contrat.

Le mariage tardif rajeunit Chaboulié : dans son contrat de mariage, en 1704, il se déclare « âgé de cinquante ans ou environ », alors qu’il a approximativement soixante-six ans ! (À sa mort, en 1708, on le dira officiellement « âgé de 70 ans ».)

(Source : Gagnon, François-Marc. « Les amours d’un vieux sculpteur, Charles Chaboulié », Les origines de Montréal : actes du colloque organisé par la Société historique de Montréal (mai 1992), Montréal, Leméac, 1993, p. 269-277.)
 
Rapt de séduction. On accuse de « rapt de séduction » des hommes qui ont eu des relations sexuelles assorties d’une promesse de mariage, et qui ont ensuite pris la poudre d’escampette. Traduits en justice et reconnus coupables, ces séducteurs sont condamnés à payer des frais à la victime (un dédommagement, le coût de l’accouchement, etc.) et ils doivent prendre l’enfant à leur charge, subvenir à ses besoins, lui trouver un métier ou une occupation. Encore faut-il faire appliquer le jugement…

L’explorateur Pierre Le Moyne d’Iberville, sieur de Longueuil, est condamné pour rapt de séduction, crime commis à l’automne 1685, mais se contrefiche de la justice. Sa victime : Jeanne-Geneviève Picoté de Belestre, dix-neuf ans, a un enfant de cette relation.

Jeanne-Geneviève est la fille de Pierre Picoté de Belestre, ami et partenaire de Pierre Le Moyne d’Iberville dans ses entreprises de traite et d’exploration. La famille de Belestre s’adresse à la justice en 1686 pour que la promesse de mariage entre d’Iberville et leur fille soit respectée et empêcher l’explorateur de quitter le territoire sans qu’il ait répondu de ses actes. Le mandat d’arrêt n’est pas appliqué, d’Iberville vaque à ses occupations. À l’hiver 1687, il séjourne en France. À l’été 1687, il visite la baie d’Hudson (un ordre du gouverneur, l’autorisant à voyager, lui permet d’échapper à la procédure judiciaire). Ce n’est que le 22 octobre 1688 qu’il est reconnu coupable… mais il n’est pas même présent pour entendre la sentence.

En 1693, d’Iberville se marie avec Marie-Thérèse Pollet (de la seigneurie de La Pocatière). Jeanne-Geneviève, en apprenant que le sieur de Longueuil ne l’épousera jamais et que le déshonneur jeté sur sa famille ne sera jamais lavé, se résigne : elle entre au couvent des religieuses de l’Hôtel-Dieu de Montréal. Elle y meurt en 1721.

(Sources : Lacoursière, Jacques, et Bizier, Hélène-Andrée (dir.). Ibid., chapitre 13, 1979, p. 247 ; Lachance, André. Ibid., p. 62 ; Douville, Raymond, et Casanova, Jacques-Donat. Ibid., p. 231-232.)
 
Travestissement. 1696. Une jeune femme de l’Île d’Orléans, Anne Émond (seize ans), est follement amoureuse d’un militaire, Joseph Gaulin. Pour ses beaux yeux, elle fera une énorme bêtise.

Joseph Gaulin a entendu dire que le gouverneur Frontenac prépare une expédition guerrière contre les Iroquois des Grands Lac (les plus féroces ennemis de la jeune colonie). Et il n’a aucune envie d’affronter les Iroquois. Une idée effrontée lui traverse l’esprit : faire croire au gouverneur que les Anglais préparent une attaque contre la colonie, menace qui pourrait convaincre les autorités de laisser les Iroquois tranquilles et de fortifier la capitale, Québec. Plus effronté encore, Joseph Gaulin entreprend de convaincre sa maîtresse Anne Émond de propager la rumeur d’une invasion britannique !

Il la persuade de se déguiser en homme, de se faire passer pour un prisonnier français évadé de la ville de Boston qui aurait aperçu trente-quatre navires anglais en Nouvelle-Angleterre, prêts à prendre le large pour venir attaquer Québec, et qui aurait ensuite vu, à Tadoussac, quatre bateaux anglais sur le Saint-Laurent.

À l’Île d’Orléans, Anne Émond demande à un canotier, Jean Bouchard dit Dorval, de l’emmener à Québec. Pendant la traversée, elle raconte au marin d’eau douce qu’elle a vu des Anglais se préparer à envahir Québec. La jeune femme déguisée en homme se fait conduire chez le gouverneur. Pendant ce temps, Jean Bouchard va raconter à toute la basse-ville ce qu’il a entendu dans son embarcation.

Devant les autorités, Anne Émond est nettement moins convaincante… Son subterfuge est rapidement découvert. Elle est jetée en prison en attendant son procès.

Quelques jours plus tard, elle est condamnée à être conduite dans les rues de la ville, attachée à l’arrière d’une charrette, et battue. Elle doit aussi payer vingt-cinq livres d’amende.

En fin de compte, la rumeur propagée par Anne Émond et le canotier a eu un tel impact qu’elle a retardé le départ des troupes pour les Grands Lacs… L’effet de surprise est raté.

(Source : Lachance, André. Ibid., p. 53-54.)
 
Viagra. En 1699, deux militaires de Trois-Rivières sont condamnés à payer une amende pour avoir possédé des « billets de magie », recette surnaturelle qui aurait le pouvoir de « rendre dur ».

(Source : Giguère, Guy. La scandaleuse Nouvelle-France : histoires scabreuses et peu édifiantes de nos ancêtres, Montréal, Stanké, 2002, p. 128.)